Bivouac dans le Massif du Mont-Cenis

Août 2021.

J’appelle mon pote Manu, photographe lui aussi, pour lui proposer une virée en montagne. Il ne m’a pas fallu longtemps pour le convaincre — il faut dire qu’il est toujours partant pour une sortie photo dans des coins un peu sauvages. Et côté météo ? Eh bien… disons que c’était vivant. Le début de journée s’annonçait clément, juste ce qu’il nous fallait pour grimper et nous poser avant que le ciel ne se fâche. Et entre nous, c’est souvent avant ou après le mauvais temps que les ambiances sont les plus belles : un ciel chargé, de la brume, un peu de mystère… tout sauf ce grand ciel bleu désespérément plat.

On attaque la montée — efficaces comme deux chamois motivés — et on atteint rapidement le premier niveau de lac. Je garderai son nom pour moi, comme toujours. Ces endroits fragiles, je les protège, et j’espère que vous feriez pareil. Là-haut, c’est le calme absolu. Pas un bruit. C’est aussi pour ça que je ne partage jamais l’emplacement exact : le silence est un luxe, et certains coins méritent de rester loin de la foule.

Après quelques photos, on continue jusqu’au second niveau. Quarante minutes plus tard, nous voilà dans un véritable petit coin de paradis. Ni une, ni deux, on s’active : on sort les appareils, on monte la tente, on grignote un truc… et surtout, on repère un abri. Parce que le ciel, lui, commence à sérieusement tirer la tronche. Ce massif devait être plutôt épargné, mais visiblement la météo en a décidé autrement.

Je déclenche pas mal à main levée, je shoote quelques portraits de Manu — histoire de tester un peu ce que mon petit Sony RX100 VII a dans le ventre. Oui, pour une fois, j’ai opté pour du léger. Pas besoin de trimballer toute la maison.

Autour de nous, les sommets disparaissent dans une épaisse brume. Le ciel devient de plus en plus noir, l’orage approche. On termine de sécuriser la tente, et on se planque dans une petite grotte qu’on a repérée. Juste à temps. On attrape au passage nos vêtements chauds et le dîner, parce qu’une fois que ça va tomber, ce ne sera plus le moment d’aller chercher quoi que ce soit.

Et là, ça y est : les premières gouttes tombent. On est émerveillés, un peu comme deux gamins sous une averse d’été — sauf qu’ici, c’est un orage de montagne. Les grondements se font entendre, les éclairs illuminent le ciel, et la roche autour de nous vibre. Franchement, c’était magnifique… au début. Parce qu’au bout d’un moment, ça devient un peu long, même dans une grotte. Deux bonnes heures de concert électrique au-dessus de nos têtes. Et pas la petite chanson douce.

Quand le calme revient enfin, on retourne à nos tentes. Pas d’étoiles ce soir, ni de Voie lactée. Mais la nuit reste agréable. Quelques gouttes au passage, mais plus d’orage à l’horizon. On aurait dormi dans la grotte sinon, pas fous !

Le lendemain, je propose une petite balade pour se dégourdir les jambes : un col à 3000 m, juste en aval. On espère y croiser le roi des montagnes. On attaque doucement. Enfin… “doucement” façon Manu, donc à un rythme de chamois olympique. On scrute les crêtes, et bingo : un premier bouquetin, puis deux… puis plein ! J’essaie quelques images avec mon compact, mais bon, on ne va pas se mentir, c’est un peu juste pour ce genre de sujet.

Manu et moi enchaînons les photos, surtout en contre-jour. Un bouquetin en haut d’une crête, dos au soleil, c’est toujours un joli coup à tenter. Certains s’approchent un peu, curieux — bien plus que les chamois qui, eux, filent dès qu’un humain pointe son nez. On reste à bonne distance, bien sûr. Pas question de déranger qui que ce soit. À environ trente mètres, on pose les boîtiers, et on profite simplement du moment. De leur présence. Et de la lumière douce du matin.

Puis il est temps de redescendre. On serait bien restés là-haut encore un peu, mais comme on dit… toutes les bonnes choses ont une fin.

Patrice Mestari

Photographe indépendant basé dans les Alpes, en France. Mariage -  Évènement - Voyage.

https://www.patricemestari.com
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