Histoire - Les Cheveux

 
 

Les petites histoires de Juliette…

Hagard Dunørd aurait aimé être un vrai Viking. Mais il était né quelques centaines d’années trop tard. Pour rendre hommage à ses glorieux ancêtres, il buvait de la bière tiède dans un mug décoré d’une tête de mort, aiguisait régulièrement sa hache trouvée au marché aux puces et il passait parfois la nuit dans la réplique de drakkar miniature posée dans son jardin. Surtout à la saison des aurores boréales.

Car Hagard croyait aux rêves et aux aurores boréales qui les guident. Il rêvait d’avoir un fils, un solide gaillard blond à qui il pourrait passer le flambeau et transmettre tout son savoir sur les glorieux ancêtres. Mais jusque là, Hagard n’avait que des filles. Quatre. Blondes, solides, mais hélas, femelles.

La femme de Hagard, Hildegard Dunørd, en avait assez de ces histoires de garçon, d’autant plus qu’Hagard ne s’occupait absolument pas de ses filles, allant même jusqu’à affirmer qu’il n’avait pas d’enfants ! Un jour, Hildegard prit sa décision, ses économies personnelles et allât dans le fjord de l’est voir Froya, la rebouteuse des rêves. Toutes deux, firent une longue promenade au bord de la mer, jusqu’à cet endroit où des algues blondes font des crinières aux rochers. Les filles d’Hagard allaient prendre le pouvoir. Tout d’abord sur ses rêves…

Une poignée de main entre les deux femmes, quelques couronnes et Hagard allait plonger dans une semaine de cauchemars.

La première nuit, assoiffé, ne tenant plus debout, il se voyait retirer la chope des lèvres par des blondes moqueuses qui trinquaient ensuite à sa santé. La nuit suivante, il se noyait dans l’eau glacée et quand il agrippait enfin le franc bord d’un drakkar, les mêmes blondes lui tapaient sur les doigts pour qu’il lâche prise avant de sombrer. Une autre nuit, perdu dans le blizzard, il errait au gré des apparitions de ces mêmes blondes qui faisaient mine de lui tendre la main pour aussitôt s’évanouir derrière un rideau de neige et de brouillard.

Au bout de huit nuits de ce traitement, Hagard, des cernes noirs sous les yeux, les mains tremblantes de fatigue et l’âme en ébullition, vint demander pardon à Hildegard et à ses filles pour les avoir ignorées toutes ces années. Le soir même, il sortait les poubelles et allait chercher les deux grandes à l’école, avant de s’endormir derrière des volets bien clos, d’un sommeil apaisé et sans rêves, laissant les aurores boréales aux photographes et aux scientifiques.

Juliette Derimay - Auteure

Juliette Derimay - Auteure

Lieu : Norvège
Texte: Juliette Derimay